Désensibilisation alimentaire: connaissances actuelles et directions futures
Les aliments sont rapportés comme la première cause d’anaphylaxie(1) et une étude récente à Montréal suggère qu’environ 85% des cas d’anaphylaxie chez les enfants est engendrée par la nourriture, avec l’arachide et/ou les noix étant les principaux responsables (2). Présentement, le seul traitement de l’allergie alimentaire est le strict évitement de l’aliment, et le principal traitement de la réaction allergique est la prompte administration d’épinéphrine intramusculaire (retrouvée dans l’Epipen® and l’Allerject™) (3).
Alors que l’arachide et les noix sont responsables de la majorité des cas d’anaphylaxie, l’allergie au lait de vache (ALV) est l’allergie la plus fréquente chez l’enfant. L’ALV est associée à des réactions allergiques sévères et fréquentes, et à de potentielles déficiences nutritionnelles. Suite à l’utilisation fréquente du lait de vache dans la diète de l’hémisphère ouest, il est presqu’impossible de l’éviter (4) et par conséquent, de nouvelles stratégies thérapeutiques autre que l’évitement sont à découvrir pour les personnes souffrant d’allergie alimentaire en général et d’ALV en particulier.
L’immunotherapie a été utilisée dans l’allergie aux inhalants, telle la fièvre des foins aux arbres et à l’herbe à poux, depuis plus d’un siècle. L’immunotherapie aux allergènes consiste en injection de dose croissante d’allergène spécifique sur une période prolongée. Cependant, les essais d’immunothérapie par injection aux aliments ont été associées à des réactions adverses sévères (5). En remplacement d’immunothérapie par injection, de récentes études ont procédé par l’administration orale de petites doses, avec des quantités croissantes de l’aliment sur une période de plusieurs semaines afin de permettre aux patients d’arriver à ingérer l’aliment, un processus appelé immunothérapie orale (OIT). Des études récentes suggèrent que près de 80 % des enfants peuvent être désensibilisés et protégés contre les réactions accidentelles grâce à l’immunothérapie orale (OIT) (6)(7). L’OIT a un effet marqué sur les marqueurs immunologiques et cliniques et permet de multiplié par plusieurs le seuil d’aliments nécessaires pour déclencher une réaction allergique. Cependant, tandis que les avantages cliniques d’OIT induisant la désensibilisation sont prometteurs, il est crucial de déterminer les protocoles les plus sûrs. Des études suggèrent que parmi les patients subissant l’OIT jusqu’à un quart aura besoin d’épinéphrine - réactions traitées à l’épinéphrine (RTEs). Bien que les RTE aient été une raison majeure de l’arrêt du traitement, 75% de patients qui ont éprouvé un RTE ont continué à atteindre leur dose cible. De plus, l’œsophagite à éosinophiles peut apparaître dans 2 à 5 % des cas(8).
À l’heure actuelle, il n’existe aucune ligne directrice décrivant le candidat idéal pour la désensibilisation ou le calendrier de dosage le plus sûr et le plus efficace(9). Plusieurs initiatives explorant l’immunothérapie efficace pour les allergies alimentaires ont été avancées. Le but ultime de l’immunothérapie d’allergie de nourriture est la guérison, ayant pour résultat que les enfants n’ont aucun symptôme après l’ingestion de la nourriture même après des périodes prolongées d’éviter. Cependant, il n’est pas clair si les projets actuels d’immunothérapie alimentaire peuvent atteindre la tolérance ou s’ils devraient continuer à administrer des doses quotidiennes pour être sécuritaires(10). Une étude sur l’OIT des arachides chez les enfants de 1 à 3 ans a révélé que seulement 20 % d’entre eux atteignaient une tolérance réelle après l’OIT pour arachides(11).
Dans une étude sur l’immunothérapie de lait, 66 patients (62%) dans un groupe traité avec l’immunothérapie ont pu tolérer une portion complète de lait (environ 200 mL) comparée à sept (8%) du groupe témoin non traité. De plus, 27 (25 %) dans le groupe traité pouvaient boire une plus petite portion de lait (10 à 184 mL) alors qu’aucun ne pouvait boire dans le groupe témoin. Les effets secondaires étaient fréquents, bien que la plupart étaient locaux et bénins(12). Des seuils significativement plus élevés aux réactions allergiques d’origine alimentaire après l’immunothérapie orale ont été décrits également pour d’autres aliments, y compris les œufs et les arachides(13)(14)(15).
À ce stade, l’adhésion à long terme aux doses d’entretien est recommandée. Les résultats d’une étude longitudinale sur 50 patients qui ont complété un protocole d’escalade de lait OIT, atteignant une dose d’entretien de 200 ml de lait a indiqué que seulement 56% de participants ont adhéré au protocole d’entretien. Il est important de noter que les patients adhérents ont connu une incidence plus faible de réactions allergiques, y compris l’anaphylaxie potentiellement mortelle, les visites aux soins de santé et aux urgences et l’utilisation d’épinéphrine et d’antihistaminiques(16).
En 2013, la Division des allergies et de l’immunologie clinique de l’Hôpital de Montréal pour enfants a lancé un essai contrôlé randomisé pour évaluer la désensibilisation orale au lait de vache comme traitement de l’AMC et, en 2021, l’étude SORT (Safety of OIT in a Randomized Trial) a été lancée afin d’établir le protocole OIT le plus sûr pour deux aliments : l’arachide, l’aliment le plus courant touchant les enfants canadiens, et le lait est le principal allergène alimentaire associé à des réactions accidentelles. De nombreuses autres études sont actuellement menées pour établir les protocoles les plus sûrs tout en étant encore efficaces et pour rendre l’OIT accessible à tous les Canadiens souffrant d’allergies alimentaires.
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Moshe Ben-Shoshana,b and Bruce Mazera
- Division of Pediatric Allergy and Clinical Immunology, Department of Pediatrics, McGill University Health Center, Montréal, Québec, Canada
- Division of Clinical Epidemiology, Department of Medicine, McGill University Health Center
mis-à-jour 10/2024