AAIQ   L'Association des Allergologues et Immunologues du Québec

Allergie médicamenteuse

Les médicaments sont des moyens thérapeutiques ou d’investigation indispensables pour la médecine contemporaine. Cependant, malgré leurs effets bénéfiques incontestables, ils sont quand même responsables de nombreuses réactions adverses.

Classification des réactions adverses

Elles peuvent être classifiées de la façon suivante :

  • Réactions prévisibles :
    • Surdosage
    • Effet secondaire
    • Effect indirect, en relation avec le médicament ou la maladie
    • Interaction médicamenteuse
  • Réactions non prévisibles :
    • Intolérance
    • Idiosyncrasie
    • Hypersensibilité allergique
    • Hypersensibilité non-allergique (pseudoallergie)

Dans cet exposé nous ne nous intéresserons qu’aux 2 types d’hypersensibilité, qui sont particulièrement spécifiques à notre spécialité.

Hypersensibilité allergique

Ces réactions peuvent être classifiées par leur incidence et leur expression clinique très variée:

  • Rash maculopapuleux prurigineux (réaction retardée de type IV), responsable d’environ 70% des allergies médicamenteuses
    • Urticaire et angioedème, responsable d’environ 25%
    • Pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie, représentant moins de 5%
  • Les autres types de réactions, représentant environ 5% : en voici des exemples :
    • Certaines pouvant être très sévères :
      • SCAR : severe cutaneous adverse reaction. Dans certains cas, on a retrouvé une association avec les marqueurs génétiques HLA, donc ces réactions peuvent être prévisibles si on fait la recherche de ces marqueurs avant d’utiliser la médication.
    • Certaines sévères à modérément sévères :
      • Vasculite et maladie sérique (souvent réaction de type III)
      • Cytopénies immunes (souvent réaction de type II)
      • Hépatite, néphrite, pneumonite, méningite médicamenteuse (souvent réaction de type IV)
    • D’autres moins sévères:
      • Éruption médicamenteuse fixe
      • Syndrome du babouin

Hypersensibilité immédiate non allergique (pseudoallergie)

Certains médicaments peuvent engendrer une réaction similaire à la réaction IgE-médiée, sans toutefois impliquer un mécanisme IgE-médié. C'est pourquoi on appelle cette réaction "pseudo-allergique". Ce type de réaction est aussi très fréquent en clinique, et il en existe 3 principaux groupes :

  • Les réactions médiées par l’histamine (urticaire et angioedème, pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie), telles les réactions aux narcotiques, à certains antibiotiques (vancomycine), plusieurs réactions aux produits de contraste radiologiques.
  • Les réactions aux antiinflammatoires et à l’aspirine (médiées par le blocage de la cyclooxygénase) pouvant donner des réactions respiratoires de type asthme et rhinite, ou des réactions cutanées de type urticaire ou angioedème.
  • Les réactions médiées par la kinine, telle une toux rebelle, ou un angioedème de la face, langue ou gorge ; ces réactions surviennent principalement avec des médicaments inhibant les voies métaboliques de la kinine, tels les IECA (inhibiteurs de l’enzyme de conversion) qui peuvent induire de la toux ou unt angioedème, et les BRA (bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine) qui peuvent induire un angioedème.

Investigation de l'allergie médicamenteuse

  • La première étape est d’obtenir le plus de renseignements sur la réaction, ses manifestations cliniques et en laboratoire, sa chronologie, la chronologie de la prise des médicaments en cours lors de la réaction, son évolution, du traitement reçu. Parfois l’histoire seule peut être suffisante, surtout si la réaction est survenue plus d’une fois avec le même médicament.
  • À partir de là, des tests d’allergie peuvent être envisagés selon le type de réaction en cause et les médicaments suspectés :
    • Dans le cas d’une réaction immédiate suspectée d’être IgE-médiée, un test par scarification, suivi d’une intradermoréaction peut être effectuée. La sensibilité de ce test est variable d’un médicament à l’autre, et un test négatif ne signifie pas toujours une absence d’allergie. Ce test est plus souvent positif si la réaction est récente.
    • Dans le cas d’une réaction immédiate pseudoallergique, il n’existe pas de test cutané.
    • Dans le cas d’une réaction retardée de type rash maculopapuleux allant jusqu’au SCAR, des tests par application cutanée (patch tests) et des intradermoréaction avec lecture tardive à 24 heures et plus peuvent être envisagés. Ici un test négatif n’exclut pas une allergie, mais un test positif est souvent très significatif. Plus la réaction allergique a été sévère plus ce test a de chances d’être positif.
  • Enfin un test de provocation peut être envisagé, si non jugé trop dangereux : il s’agit d’exposer le patient au médicament en question. Différents protocoles existent selon qu’il s’agisse d’une réaction immédiate de type urticaire/anaphylaxie, ou d’une réaction retardée de type rash maculopapuleux ou autre.

Il est important de bien identifier un médicament auquel on a eu une réaction allergique, car ainsi il est facile de l'éviter par la suite. Dans bien des cas, un allergologue peut aider à faire le diagnostic d'une allergie médicamenteuse, et peut aussi donner de précieux conseils dans le cas de traitement nécessaire avec un médicament auquel on a déjà présenté une allergie antérieurement.

Dans bien des cas un diagnostic d’allergie a été posé antérieurement sur une base clinique seulement, et ce diagnostic peut être remis en question avec une investigation appropriée. Un exemple très fréquent est une histoire de rash sous pénicilline chez les enfants et parfois les adultes. Dans bien des cas le rash est viral et la provocation revient alors négative. Aussi dans bien des cas, l’allergie peut être disparue.

Traitement et conduite à tenir en cas d’allergie ou de pseudoallergie médicamenteuse

  • En phase aigüe de la réaction :
    • Cesser le médicament en cause est la première chose à faire en général.
    • Certains médicaments peuvent être ajoutés pour soulager les symptômes ou réduire la réaction allergique, tels les antihistaminiques et parfois la cortisone.
    • Dans certains cas, lorsque la médication est essentielle et la réaction peu sévère, on peut opter pour la poursuivre avec un suivi étroit et un traitement symptomatique : à tout moment, si la réaction devient trop défavorable, on peut cesser la médication.
  • De façon générale, il est recommandé de bien s’identifier comme étant allergique à la médication en question, et de l’éviter. On peut porter un bracelet identifiant l’allergie, et/ou avoir un document sur soi identifiant le médicament en cause et le type de réaction allergique, de même que la date de la réaction. Ces faits devraient aussi être consignés dans les dossiers médicaux.
  • Dans certains cas où une médication est importante et où l’allergie ou la pseudoallergie est confirmée ou fortement suspectée, on peut réutiliser la médication en question en la réintroduisant avec un protocole de désensibilisation. Voici quelques exemples de telles situations :
    • Réaction immédiate allergique à la pénicilline, ou un autre antibiotique
    • Réaction immédiate allergique aux sels de platine (chimiothérapie)
    • Réaction immédiate pseudoallergique aux taxanes (chimiothérapie)
    • Réaction immédiate pseudoallergique aux antiinflammatoires
    • Certaines réactions retardées pas trop sévères; les réactions retardées très sévères telles les SCARs sont une contre indication à la désensibilisation.

__________________________

André Caron, MD FRCPC

Mise à jour 12/2024